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Notes de vie, l’association – Reportage France 3

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Valérie Bernard est biographe hospitalière, un métier méconnu et récent. Depuis un an, elle intervient à l’unité des soins palliatifs du CHU de Toulouse. Elle recueille le récit de ses patients en fin de vie pour en écrire une biographie. Ce livre est offert après le décès à la famille du défunt.

Elle couche sur papier les mots, les souvenirs, heureux et parfois douloureux de ses patients en fin de vie. Valérie Bernard est depuis un an, biographe hospitalière à l’unité de soins palliatifs du CHU de Toulouse. Elle intervient auprès des patients en fin de vie, atteints de maladies incurables. Elle recueille les récits de leur vie, qui serviront pour l’écriture de leur biographie.

Ancienne infirmière, elle a découvert très récemment le métier de biographe hospitalière, il y a un peu plus de deux ans : “j’ai toujours été particulièrement interpellée par ce que me racontait les patients quand je venais dans leurs chambres. Je trouvais que ce qu’il me disait de leur vie passée, ce qu’il ressentait, c’était bien dommage de ne rien en faire.”
Dans son cabinet, elle reçoit des patients en fin de vie, qui lui confessent avec pudeur leurs tranches de vie, leurs souvenirs, parfois même oubliés : “elle m’a fait révéler des souvenirs que j’avais complètement oublié. Je me suis découverte à travers le souvenir qu’elle m’a fait découvrir. C’est quelque chose d’inimaginable”, confie la gorge nouée une patiente de Valérie.

“Laisser une trace de ma vie”

Valérie Bernard n’est pas salarié du CHU de Toulouse, mais elle est pleinement intégrée à l’équipe médicale. Son activité dans le service enrichit même le parcours de soins des malades. “On voit très bien le bénéfice des propositions qu’elle fait aux patients et l’investissement que ces patients mettent dans ce projet.”, explique un médecin à l’unité des soins palliatifs. Selon lui, la biographie hospitalière aurait même des effets thérapeutiques pour les patients en fin de vie : “on constate qu’il y a une diminution des angoisses chez les patients qui ont un meilleur vécu de ce temps palliatif.”

Ce projet de se raconter, de transmettre quelque chose, va dépasser la fin que peuvent représenter les soins palliatifs.” (Un médecin de l’unité de soins palliatifs du CHU de Toulouse).

La biographe hospitalière se définit elle-même comme une soignante d’un autre genre. Une passeuse de mots. C’est par l’échange, l’écriture qu’elle vient en aide aux malades. Des patients qui sans elle, seraient perdus.
Pascal a rencontré Valérie Bernard dans l’unité de soins palliatifs il y a quelques mois. L’homme est atteint d’une maladie incurable, le livre qu’il prépare avec Valérie est une surprise pour ses proches. Une façon aussi pour lui de lever le voile et faire le point sur sa vie : “j’ai tout de suite été à l’aise pour me confier à Valérie. Le courant est tout de suite très bien passé entre nous. Il y a très longtemps, j’avais commencé à écrire un livre mais je n’arrivais à coucher les mots sur le papier. Les mots sont plus faciles pour Valérie.”

En racontant les souvenirs de son existence, parfois traumatisants, comme son expérience de mort imminente, Pascal se sent rassuré, aiguillé, prêt à accepter la mort.

Ce livre permettra de dévoiler une partie de ma vie que personne ne connaît, que ma femme ou mon fils, pour qu’ils comprennent ce que j’ai au fond de moi. C’est une trace laissée de ma vie.” (Pascal, atteint d’une maladie incurable).

En écoutant Pascal, Valérie Bernard est ému des mots de son patient, du bienfait que procure sa démarche :

L’objectif important pour moi est de valider ce que j’écris. Une des spécificités de la biographie hospitalière est de rester dans la voix de l’autre, de ne pas dénaturer ce que dit Pascal lors des entretiens. Après avoir fait cette retranscription, je relis ce que j’ai écrit pour être sure de ne pas sortir de ces propos à lui.” (Valérie Bernard, biographe hospitalière).

Un ouvrage précieux pour ceux qui restent

Yvette et Georges Mercadal ont reçu la biographie brochée de leur fille, quelques temps après son décès. Lyne est morte, il y a un an, pendant le premier confinement. Ses parents n’ont pas pu l’accompagner comme ils l’auraient souhaité. Lyne ne voulait pas que ses parents la “voit dépérir”. De son vivant, elle s’est peu confiée à ses parents. Elle a préféré en parler à Valérie Bernard, qui s’est chargée de retranscrire sa pudeur dans sa biographie : “Quand elle est partie, on a senti vraiment un manque, des choses que l’on aurait voulu lui demander. Ce livre nous a apporté beaucoup de réponses à nos questions.”, confie encore ému, Yvette, sa maman, avant d’ajouter : “Je l’ai lu vaguement, c’était trop dur pour moi. Pour mon mari, cela lui a fait une thérapie importante. Il s’est vraiment bien rétabli à la suite de la lecture du livre.”

Georges Mercadal, a fait plus facilement le deuil de sa fille après la lecture de sa biographie et admire la démarche de Valérie Bernard : “j’ai été ébloui de découvrir cette manière d’opérer. C’est très dur d’approcher des personnes qui vont disparaître et qui le savent. Tous les non-dits peuvent passer par ce truchement là.” Comme avec Pascal, plus tôt, Valérie Bernard ne peut contenir ses larmes : “je suis extrêmement émue et touchée, ça me pousse à continuer de me battre pour que cette belle démarche puisse se développer en France dans d’autres services, auprès d’autres malades.”

Seule une douzaine de biographes hospitaliers exercent en France. La plupart n’ont pas de contrat de travail de l’administration, l’activité de Valérie Bernard est financée par du mécénat privé.